Turkey Tribunal, un tribunal populaire dirigé par la société civile et initié par un groupe de juristes belges du cabinet d'avocats Van Steenbrugge Advocaten, s'est réuni à Genève du 20 au 24 septembre pour examiner et rendre un jugement sur les récentes violations des droits humains en Turquie.
Le panel de juges était composé d'anciens juges de la Cour européenne des droits de l'homme et de juges et juristes renommés des droits de l'homme du monde entier.
Le tribunal a reçu des rapports et entendu des témoignages sur plusieurs questions qu'il visait à traiter.
Nous avons dédié ce numéro spécial de « Turkey Rights Monitor » au tribunal parce que nous pensons que l'événement a été le moyen le plus important à ce jour pour exposer à l'opinion publique internationale en toute clarté l'état catastrophique des droits de l'homme en Turquie ces dernières années.
Vous trouverez ci-dessous les faits saillants de plusieurs sessions thématiques du tribunal ainsi qu'un résumé du verdict du tribunal sur chaque question.
DISPARITIONS FORCÉES
Le 21 septembre, le tribunal a entendu les témoignages de Mustafa Özben, un homme porté disparu à Ankara en mai 2017, et de Sezin Uçar, l'avocat de Gökhan Güneş qui a été brièvement enlevé à Istanbul en janvier 2021. Les témoins ont expliqué les détails des incidents d'enlèvement par des agents de l'État et la détention officieuse au cours de laquelle les victimes ont été interrogées sous la torture.
Le tribunal a également entendu la présentation du rapporteur Johan Heymans sur les disparitions forcées en Turquie. Heymans a annoncé que son cabinet d'avocats se prépare à déposer une plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) qui comprend des preuves d'enlèvements effectués par des responsables turcs dans les pays qui ont ratifié le traité instituant la CPI.
LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION
Le 21 septembre, le tribunal a entendu les témoignages de Meltem Oktay et Cevheri Güven, deux journalistes contraints de fuir le pays à la suite d'une répression gouvernementale contre les médias.
Le collège des juges a également entendu la présentation du rapporteur Philippe Leruth sur son rapport sur l'état de la liberté de la presse en Turquie.
INDÉPENDANCE JUDICIAIRE ET ÉTAT DE DROIT
Le 22 septembre, le tribunal a entendu le rapporteur Emre Turkut présenter un rapport intitulé « L'impunité en Turquie aujourd'hui », qui affirmait que l'impunité est devenue la norme pour les affaires concernant des responsables turcs impliqués dans des violations des droits humains.
Le même jour, le tribunal a entendu le rapporteur Luca Perilli présenter un rapport sur le système judiciaire turc qui affirmait que la tentative de coup d'État était une opportunité inestimable pour Ankara de mettre en œuvre des purges de grande envergure d'un système judiciaire indépendant.
TORTURE ET MAUVAIS TRAITEMENTS
Le 20 septembre, le tribunal a entendu les témoignages de Mehmet Alp et Erhan Doğan, deux victimes de torture qui ont expliqué leur détention brutale en Turquie.
Les juges ont également entendu le rapporteur Eric Sottas présenter son rapport intitulé « La torture en Turquie aujourd'hui ».
CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ
Le 23 septembre, le tribunal a entendu le rapporteur Johan Vande Lanotte présenter son rapport intitulé « Crimes contre l'humanité en vertu du Statut de Rome en Turquie aujourd'hui », qui affirmait que les cas récents de disparition forcée et de torture en Turquie constituaient des crimes contre l'humanité.
AVIS FINAL
Dans son avis final rendu le 24 septembre, le tribunal a fait les observations suivantes :
Sur les disparitions forcées :
Le tribunal a déclaré que les enlèvements font partie de l'action de l'État envers les opposants politiques présumés et que les allégations d'enlèvements ne font pas l'objet d'enquêtes appropriées.
Sur la liberté d'expression et des médias :
Le tribunal a déclaré que la répression contre la presse et la liberté d'expression indique une politique plus large de l'État visant à faire taire les voix critiques et à limiter l'accès des personnes à l'information.
Sur l'impunité :
Le tribunal a déclaré qu'il existe une culture d'impunité persistante et dominante en Turquie depuis 1980, qui a atteint des niveaux sans précédent ces dernières années, en particulier depuis la tentative de coup d'État de juillet 2016.
Sur l'indépendance judiciaire :
Le tribunal a exprimé l'opinion que l'accès à la justice et donc la protection des droits humains fondamentaux dans l'état actuel du système judiciaire en Turquie est illusoire.
Sur la torture et les mauvais traitements :
Le tribunal a déclaré qu'il existe un recours systématique et organisé à la torture en Turquie, en particulier contre les personnes perçues comme étant liées ou soutenant le peuple kurde et le mouvement Gülen, ainsi que des personnes soupçonnées de crimes ordinaires.
Sur les crimes contre l'humanité :
Le tribunal a déclaré que les actes de torture et de disparition forcée commis en Turquie pouvaient constituer des crimes contre l'humanité.
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